Inclusion Financière

CEMAC : la BEAC débloque 1,8 milliard FCFA pour concrétiser le Dépositaire Central Unique, pierre angulaire du marché financier régional

La Banque des États de l’Afrique Centrale (BEAC) vient d’amorcer une étape stratégique dans le processus d’intégration financière de la CEMAC. L’institution monétaire régionale a mobilisé plus de 1,8 milliard FCFA pour appuyer la création du Dépositaire Central Unique (DCU), une entité qui jouera un rôle central dans la conservation et le règlement des titres financiers émis dans la zone. Après plusieurs années de reports, de divergences institutionnelles et de négociations techniques, la décision de la BEAC marque une avancée décisive vers l’unification complète du marché financier d’Afrique centrale.

Selon des informations confirmées, la BEAC a libéré environ 1,04 milliard FCFA correspondant à sa quote-part dans le capital du DCU, tout en assurant un portage transitoire d’actions non libérées pour un montant de 814,58 millions FCFA. Ce mécanisme vise à garantir la constitution effective du capital initial de la nouvelle entité et à accélérer le processus de mise en place opérationnelle. L’enveloppe globale, estimée à un peu plus de 1,8 milliard FCFA, reflète la volonté de la banque centrale de jouer un rôle moteur dans la refondation du marché financier régional.

Le Dépositaire Central Unique est conçu pour devenir le cœur opérationnel du système financier intégré de la CEMAC. Il aura pour mission de centraliser la conservation des valeurs mobilières, de superviser le règlement-livraison des titres, et de renforcer la sécurité, la transparence et la traçabilité des transactions. En centralisant ces fonctions, la CEMAC se dote d’une infrastructure comparable à celles en vigueur dans les grands marchés financiers émergents, à l’image du Dépositaire Central/Banque de Règlement (DC/BR) de l’UEMOA.

Cette avancée intervient dans un contexte où le marché boursier régional, incarné par la Bourse des Valeurs Mobilières de l’Afrique Centrale (BVMAC), cherche à gagner en profondeur et en liquidité. Depuis la fusion institutionnelle de 2019 entre la bourse de Douala et celle de Libreville, la zone monétaire a progressivement rationalisé ses organes de régulation et de supervision, sous l’égide de la Commission de Surveillance du Marché Financier de l’Afrique Centrale (COSUMAF). Le DCU en constitue la dernière pièce maîtresse : il permettra de fluidifier les échanges, d’accélérer le règlement des transactions et de renforcer la confiance des investisseurs.

Pour la BEAC, ce projet dépasse la simple rationalisation administrative. Il s’inscrit dans une stratégie régionale de mobilisation de l’épargne intérieure et de diversification des sources de financement. En centralisant la gestion des titres publics et privés, le DCU facilitera l’accès des États et des entreprises au marché des capitaux, réduira les coûts de transaction et offrira un meilleur cadre pour les émissions obligataires régionales. L’objectif est clair : bâtir un marché intégré capable de financer la croissance, d’attirer les investisseurs internationaux et de stimuler la résilience financière de la sous-région.

Les implications macroéconomiques de cette décision sont considérables. L’Afrique centrale, qui affiche un taux de bancarisation encore inférieur à 20 % et une capitalisation boursière limitée, cherche depuis plusieurs années à renforcer la profondeur de son système financier. En modernisant son architecture institutionnelle, la CEMAC espère améliorer la transmission de la politique monétaire, accroître la circulation de la liquidité et réduire la dépendance de ses économies vis-à-vis des financements extérieurs. Le DCU deviendra un outil d’intégration économique autant qu’un levier de souveraineté financière.

Sur le plan technique, la création du DCU devrait s’accompagner de la mise en place d’une infrastructure technologique moderne conforme aux standards internationaux. Cette plateforme numérique permettra le règlement-livraison en temps réel, l’interconnexion entre les banques, les sociétés de bourse et la BVMAC, ainsi qu’un suivi automatisé des titres. Elle constituera également une base de données centralisée sur les valeurs mobilières émises dans la région, un instrument crucial pour renforcer la transparence du marché.

Pour les investisseurs institutionnels, cette réforme représente une promesse de sécurité accrue et une opportunité de diversification. La présence d’un dépositaire unique crédible et régulé facilitera la participation des fonds d’investissement, des compagnies d’assurances et des fonds de pension, tout en réduisant les risques opérationnels et juridiques. En améliorant la qualité des infrastructures financières, la CEMAC pourra progressivement se positionner comme un pôle d’investissement régional compétitif, capable de rivaliser avec les standards de l’UEMOA.

Le succès du DCU dépendra néanmoins de plusieurs facteurs : la rapidité de son déploiement opérationnel, la coordination entre les régulateurs nationaux et régionaux, ainsi que la capacité des acteurs du marché à s’approprier les nouveaux outils. L’implication constante de la BEAC et le soutien des institutions communautaires seront déterminants pour garantir la crédibilité et la durabilité du projet.

En débloquant plus de 1,8 milliard FCFA, la BEAC affirme ainsi sa volonté de faire du marché financier régional un instrument stratégique de croissance et d’intégration économique. À terme, la mise en service du Dépositaire Central Unique pourrait transformer la BVMAC en une véritable plateforme continentale, capable de financer les ambitions industrielles, énergétiques et technologiques de la sous-région.

Patrick Tchounjo

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