Henri-Claude Oyima : Le Pilier de la Finance Africaine à la Tête de BGFIBank

Dans le monde de la finance africaine, Henri-Claude Oyima incarne une figure de proue dont l’influence s’étend bien au-delà des frontières du Gabon, son pays natal. À la tête du Groupe BGFIBank depuis 1996, il a transformé une modeste institution locale en un géant bancaire, souvent qualifié de « première banque d’Afrique centrale » par les observateurs du secteur. En mars 2025, alors que le continent fait face à des défis économiques complexes, Oyima reste un acteur incontournable, conjuguant ambition régionale et rigueur stratégique pour asseoir la résilience et la croissance de son groupe.
Les débuts d’un bâtisseur
Henri-Claude Oyima est né en 1956 à Libreville, dans un Gabon en pleine transition postcoloniale. Diplômé en économie et en gestion des entreprises, il a forgé ses compétences dans des institutions financières internationales avant de revenir au bercail pour relever un défi de taille. Lorsqu’il prend les rênes de la Banque Gabonaise et Française Internationale (BGFI) en 1996, l’établissement est une banque commerciale classique, principalement tournée vers le marché gabonais. Sous sa direction, elle devient le socle d’un groupe panafricain qui, en 2025, opère dans 11 pays, dont la France, et affiche un total bilan dépassant les 3 000 milliards de FCFA (environ 4,5 milliards d’euros) selon les chiffres de 2022.
Oyima hérite d’une institution fondée en 1971 par des investisseurs gabonais et français, mais c’est lui qui lui donne une envergure régionale. Sa nomination intervient à un moment où le Gabon, riche en pétrole, cherche à diversifier son économie. Visionnaire, il comprend que le secteur bancaire doit jouer un rôle moteur dans cette transformation, non seulement au Gabon, mais dans toute la zone CEMAC (Communauté Économique et Monétaire de l’Afrique Centrale).
Une expansion méthodique
Sous la houlette d’Oyima, BGFIBank entreprend une stratégie d’expansion méthodique. Dès les années 2000, le groupe s’implante au Cameroun, au Congo-Brazzaville et en Guinée équatoriale, profitant de la proximité économique et monétaire de la zone CFA. En 2007, il franchit une étape symbolique avec l’ouverture d’une filiale à Paris, devenant ainsi la première banque d’Afrique centrale à s’installer en Europe. Cette internationalisation se poursuit avec des implantations au Bénin, en Côte d’Ivoire, à Madagascar et au Sénégal, consolidant une présence dans les zones UEMOA et hors franc CFA.
Le modèle de croissance d’Oyima repose sur une diversification des activités. Outre la banque commerciale, BGFIBank se positionne dans la banque d’investissement, la gestion d’actifs et les services aux entreprises via des filiales comme BGFI Capital ou Finatra. En 2021, le groupe a financé des projets d’infrastructure majeurs, notamment dans l’énergie et les transports, pour un montant dépassant les 500 millions d’euros, selon des rapports internes. Cette diversification a permis à BGFIBank de capter une clientèle variée, des PME locales aux multinationales opérant en Afrique centrale.
Leadership et résilience face aux crises
Henri-Claude Oyima n’a pas bâti ce succès sans affronter des tempêtes. En 2015, une crise de liquidité dans la zone CEMAC, provoquée par la chute des prix du pétrole, met sous pression les banques régionales. BGFIBank, grâce à une gestion prudente et à une capitalisation solide (ratio de solvabilité de 15 % en 2022, supérieur aux exigences de la COBAC), traverse l’épreuve sans vaciller. Oyima renforce alors les fonds propres du groupe, qui atteignent 466 milliards de FCFA en 2021, et maintient une rentabilité constante, avec un résultat net de 31 milliards de FCFA la même année.
Son leadership est également mis à l’épreuve en 2018, lorsque des allégations de mauvaise gouvernance secouent le groupe. Oyima répond par la transparence, commandant des audits externes et renforçant les mécanismes de conformité. Ces mesures restaurent la confiance des investisseurs et des régulateurs, comme en témoigne la certification ISO 9001 obtenue par plusieurs filiales dans les années suivantes.
Une empreinte panafricaine
En 2025, BGFIBank est un acteur clé dans le financement des économies africaines. Le groupe a joué un rôle déterminant dans des projets structurants, comme le barrage hydroélectrique de Nachtigal au Cameroun (420 MW), cofinancé à hauteur de 150 millions d’euros en 2020. Oyima a également positionné BGFIBank comme un partenaire des États, notamment via des émissions d’obligations souveraines, renforçant ainsi la capacité des gouvernements à mobiliser des ressources domestiques.
Sa vision s’aligne sur les ambitions de l’Agenda 2063 de l’Union africaine, qui prône l’intégration économique. Lors d’un forum bancaire à Libreville en 2022, il déclarait : « L’Afrique doit compter sur ses propres forces pour financer son développement. Les banques locales ont un rôle à jouer dans cette autonomie. » Cette philosophie se traduit par des initiatives comme le soutien aux PME, qui représentent 60 % de la clientèle de BGFIBank au Gabon.
Défis et perspectives
Malgré ses succès, Oyima fait face à des défis croissants. La concurrence s’intensifie avec l’arrivée de géants panafricains comme Ecobank ou Attijariwafa Bank dans la région. La transition énergétique, qui affecte les économies pétrolières comme le Gabon, oblige également BGFIBank à réorienter ses financements vers des secteurs durables. En 2023, le groupe a lancé une stratégie « verte », visant à allouer 20 % de son portefeuille aux projets d’énergie renouvelable d’ici 2030.
À près de 70 ans, Oyima prépare aussi l’avenir. La montée en puissance de ses enfants dans la gouvernance du groupe – notamment Kelly Oyima, directrice générale adjointe – suggère une succession familiale, une pratique courante dans les entreprises africaines. Cependant, il insiste sur la professionnalisation, avec un conseil d’administration incluant des experts indépendants.
Un héritage durable
Henri-Claude Oyima a fait de BGFIBank un symbole de la capacité africaine à produire des institutions financières compétitives. En trois décennies, il a érigé un groupe qui non seulement rivalise avec les filiales des banques étrangères, mais les dépasse dans certains marchés. Son parcours illustre une vérité essentielle : la finance africaine peut prospérer grâce à des leaders visionnaires, capables de conjuguer ambition et pragmatisme. En 2025, alors que l’Afrique cherche à mobiliser ses ressources internes, Oyima reste une référence, un bâtisseur dont l’héritage continuera d’éclairer le chemin du secteur bancaire continental.
Mérimé Wilson