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Idrissa Nassa : le stratège burkinabè qui redessine la finance panafricaine

Dans le paysage bancaire africain, NASSA Idrissa se profile comme une figure emblématique, un entrepreneur visionnaire dont l’ascension fulgurante a transformé Coris Bank International en un acteur incontournable de la finance ouest-africaine. Fondateur et président de ce groupe basé à Ouagadougou, NASSA Idrissa a su conjuguer audace entrepreneuriale et pragmatisme stratégique pour bâtir une institution qui, en mars 2025, rayonne dans neuf pays francophones et ambitionne de conquérir de nouveaux horizons, notamment en Afrique centrale. À une époque où les géants étrangers dominaient le secteur, M. NASSA a imposé un modèle africain, ancré dans les réalités locales et tourné vers le développement économique du continent.

Des origines modestes à l’empire bancaire

Né à Bobo-Dioulasso, deuxième ville du Burkina Faso, Idrissa Nassa n’a pas grandi dans l’opulence. Issu d’un milieu modeste, il se lance dans l’entrepreneuriat dès 1984, à l’âge de 22 ans, dans le négoce international et l’industrie. Dans les années 1990, il devient l’un des plus gros négociants de produits de grande consommation en Afrique de l’Ouest, établissant une réputation de rigueur et de flair commercial. Les années 2000 marquent un tournant : il diversifie ses activités dans l’immobilier, l’hôtellerie et l’industrie graphique, avant de poser les bases de son futur empire financier.

En 2008, Nassa rachète la Financière du Burkina (FIB), une institution en crise, et la transforme en Coris Bank International. Avec un capital initial de 1,5 milliard de FCFA (environ 3 millions de dollars), il mise sur une banque qui répond aux besoins des populations sous-bancarisées et des entreprises locales, souvent ignorées par les grandes institutions. Cette intuition se révèle payante : en moins de 15 ans, le capital du groupe atteint 5 900 milliards de FCFA (9 milliards de dollars) en 2022, selon des déclarations officielles rapportées par Billionaires.Africa.

Une expansion panafricaine ambitieuse

Sous la direction de NASSA Idrissa, Coris Bank International s’impose rapidement comme un leader au Burkina Faso, où elle devient la première banque en termes de réseau avec 55 agences et une part de marché de 18 % dès 2015. Mais son ambition ne s’arrête pas là. Dès 2014, il entame une expansion régionale, ouvrant des filiales en Côte d’Ivoire, au Mali, au Togo et au Sénégal. Aujourd’hui, le groupe est présent dans tous les pays de l’UEMOA (Union Économique et Monétaire Ouest-Africaine) – Burkina Faso, Côte d’Ivoire, Mali, Togo, Sénégal, Bénin, Niger – ainsi qu’en Guinée-Bissau et en Guinée-Conakry.

Cette croissance s’appuie sur un modèle industriel unique, adapté aux spécificités de chaque marché. En Côte d’Ivoire, par exemple, Coris Bank inaugure en 2022 un siège flambant neuf à Abidjan, d’un coût de 8 milliards de FCFA (13 millions de dollars), renforçant sa position dans un marché compétitif. En Guinée, elle finance en 2021 le projet de la mine d’or de Kouroussa pour 100 millions de dollars, démontrant sa capacité à soutenir des secteurs stratégiques comme l’exploitation minière. En 2023, le groupe décroche un prêt de 58 millions de dollars pour l’expansion de la mine d’or Bomboré au Burkina Faso, consolidant son rôle de bailleur clé pour l’industrie extractive ouest-africaine.

Nassa ne se limite pas à l’Afrique de l’Ouest. En 2022, il annonce des visées sur l’Afrique centrale, avec des projets d’implantation au Gabon, au Cameroun et au Congo-Brazzaville. Lors d’une rencontre en mars 2025 avec le président gabonais Brice Clotaire Oligui Nguema, il expose sa vision : faire de Coris un levier de croissance économique dans la région CEMAC, comme il l’a fait dans l’UEMOA.

Innovation et inclusion financière

L’une des forces de NASSA Idrissa réside dans son engagement pour l’inclusion financière. Conscient que près de 70 % des Africains n’ont pas accès aux services bancaires traditionnels, il mise sur la digitalisation. En 2021, Coris lance « Coris Money », un service de monnaie électronique au Togo, qui s’appuie sur 558 113 utilisateurs de portefeuilles électroniques pour faciliter les transferts transfrontaliers et les paiements mobiles. Cette initiative, testée au Burkina Faso dès 2018, renforce la présence régionale du groupe et répond aux besoins d’une population jeune et connectée.

En parallèle, il diversifie les activités de Coris. Outre la banque commerciale, le groupe s’engage dans l’assurance (Coris Assurances), la gestion de patrimoine et la mésofinance, avec une nouvelle branche lancée en 2024 pour soutenir les PME. Cette approche intégrée se traduit par des partenariats stratégiques : en 2022, Coris signe une ligne de financement commercial de 500 millions d’euros avec Afreximbank, et en 2024, elle obtient 5 millions de dollars de l’IFC pour stimuler le commerce en Guinée.

Résilience et leadership

Le parcours d’Idrissa Nassa n’a pas été sans défis. Le Burkina Faso, secoué par des crises sécuritaires et politiques depuis 2014, représente un environnement instable pour une banque locale. Pourtant, sous sa direction, Coris maintient une trajectoire ascendante. En 2020, elle est sacrée « Meilleure banque régionale d’Afrique de l’Ouest » aux African Banker Awards, une reconnaissance de sa gestion prudente et de son impact économique. Cotée à la Bourse Régionale des Valeurs Mobilières (BRVM), Coris Bank affiche une capitalisation de 269 milliards de FCFA (436,5 millions de dollars) en décembre 2022, la plaçant au cinquième rang des entreprises les plus valorisées de la bourse.

Homme discret mais influent, NASSA Idrissa cumule les distinctions : Chevalier de l’Ordre du Mérite en 2004, Officier de l’Ordre National en 2010, puis Commandeur en 2015. Vice-président du Conseil du patronat burkinabè, il incarne une voix respectée dans les cercles économiques africains.

Une vision pour l’avenir

En 2025, à 63 ans, NASSA Idrissa ne montre aucun signe de ralentissement. Son objectif est clair : faire de Coris une banque panafricaine de référence, capable de rivaliser avec des géants comme Ecobank ou Attijariwafa Bank. Ses projets incluent une percée dans les marchés lusophones, avec une prise de contrôle en 2024 d’une banque dans un pays africain de langue portugaise, ainsi qu’une exploration des actifs de TotalEnergies au Burkina Faso, signalant une diversification vers l’énergie.

Nassa prépare également sa succession. Ses enfants occupent des postes stratégiques au sein de Coris Holding, garantissant une continuité familiale tout en professionnalisant la gouvernance. Face à la montée des fintechs et aux mutations du secteur, il investit dans la modernisation technologique, avec un plan de 100 milliards de FCFA annoncé en 2023 pour digitaliser les opérations.

Un héritage en marche

NASSA Idrissa n’est pas seulement un banquier prospère ; il est un symbole de l’ambition africaine. En bâtissant Coris Bank à partir d’une institution en difficulté, il a démontré qu’un leadership local peut transformer les défis en opportunités. Son mantra, exprimé lors d’un forum à Cairo en 2022 – « Nous, acteurs privés, devons travailler à changer l’Afrique » – résume sa philosophie. En 2025, alors que le continent cherche à renforcer son autonomie financière, Nassa et Coris Bank se positionnent comme des catalyseurs de cette transformation, un legs qui marquera durablement le secteur bancaire africain.

Mérimé Wilson

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