Marché financier de la CEMAC : la BVMAC affiche une perte de 322 millions FCFA en 2024

Après une brève embellie en 2023, la Bourse des valeurs mobilières de l’Afrique centrale (BVMAC) a renoué avec les pertes. Selon son rapport d’activités consulté par certains médias, l’institution a clos l’exercice 2024 sur une perte nette de 322,2 millions FCFA, effaçant le modeste bénéfice de 8,5 millions FCFA réalisé un an plus tôt.
Ce recul marque un retour dans une zone de turbulences que la BVMAC semblait vouloir quitter. Entre 2019 et 2022, la place boursière régionale avait enchaîné les déficits avec 647 millions, 787 millions, 237 millions et 557,7 millions FCFA de pertes, illustrant les difficultés d’un marché encore en quête de profondeur et de dynamisme.
Une activité boursière en perte de vitesse
Le chiffre d’affaires de la Bourse régionale s’est établi à 876 millions FCFA en 2024, contre 891,7 millions FCFA en 2023, soit une baisse de 1,8 %. Cette légère contraction s’explique par la faible activité sur les compartiments actions et obligations, mais aussi par l’absence d’introductions en Bourse, principale source de revenus pour l’institution.
En dépit des efforts déployés pour animer le marché et attirer de nouveaux émetteurs, la BVMAC reste confrontée à un manque d’attractivité. Peu d’entreprises franchissent le pas de la cotation, freinées par la complexité des procédures, les coûts associés et une culture boursière encore limitée dans la sous-région.
Une dépendance aux introductions en Bourse
La BVMAC tire l’essentiel de ses ressources des droits d’admission, de cotation et de transaction. En l’absence de nouvelles introductions, les revenus stagnent, rendant difficile la couverture des charges d’exploitation. Cette dépendance aux opérations primaires révèle la fragilité du modèle économique de la Bourse régionale, qui peine à diversifier ses sources de financement.
Selon plusieurs observateurs, les pertes successives de la BVMAC traduisent moins un déséquilibre structurel qu’un marché régional encore embryonnaire, dominé par les émissions de titres publics au détriment des produits privés. La faible liquidité et le volume limité des échanges freinent également le développement du marché secondaire, pourtant essentiel à la rentabilité d’une place boursière.
Un marché à fort potentiel, mais sous-exploité
La CEMAC dispose pourtant d’un vivier d’entreprises publiques et privées qui pourraient dynamiser le marché si elles choisissaient la voie de la cotation. Les six pays de la région — Cameroun, Gabon, Congo, Tchad, Guinée équatoriale et République centrafricaine — affichent des besoins croissants de financement, mais continuent de privilégier les marchés obligataires étatiques, jugés plus sûrs et plus rapides.
Pour inverser la tendance, la BVMAC devra renforcer la confiance des acteurs économiques, simplifier les processus d’introduction et accroître la sensibilisation sur les avantages du financement par le marché. Une meilleure implication des banques commerciales et une coordination plus étroite avec la Commission de Surveillance du Marché Financier de l’Afrique Centrale (Cosumaf) apparaissent également nécessaires pour revitaliser l’écosystème.
À la croisée des chemins
La BVMAC reste un symbole de l’intégration financière régionale, mais sa rentabilité durable dépendra de sa capacité à élargir sa base d’émetteurs et à stimuler la liquidité du marché. Face à la BRVM de l’UEMOA, qui multiplie les émissions et renforce son attractivité, la Bourse d’Afrique centrale doit accélérer sa transformation pour ne pas rester en marge des grands flux financiers continentaux.
Son retour dans le rouge en 2024 sonne comme un rappel à l’urgence : celle d’un marché à fort potentiel, mais encore à la recherche d’un véritable souffle.
Patrick Tchounjo



