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Banques et scoring alternatif : vers une révolution de l’accès au crédit

Longtemps fondé sur des critères rigides comme les bulletins de salaire, l’historique bancaire ou les garanties réelles, l’accès au crédit bancaire évolue en Afrique francophone. À l’ère du numérique, une nouvelle approche gagne du terrain : le scoring alternatif. Derrière ce terme technique se cache une transformation silencieuse, mais déterminante, qui redéfinit les règles du jeu entre banques et populations non ou sous-bancarisées.

La limite des modèles traditionnels de scoring

Dans de nombreuses économies d’Afrique francophone, une large frange de la population active évolue dans l’informel. Cela signifie : pas de bulletin de paie, pas de compte bancaire actif, pas de patrimoine foncier titré – autant de barrières à l’accès au crédit dans les circuits classiques.

Résultat : malgré une forte demande, moins de 20 % des adultes ont déjà obtenu un prêt bancaire selon les données de la BCEAO (2023). Pour les banques, le risque est jugé trop élevé en l’absence de données financières vérifiables.

L’essor du scoring alternatif

Pour contourner ces limites, certains établissements bancaires, fintechs et néo-banques adoptent des modèles de scoring alternatif, exploitant des sources de données non conventionnelles : historique d’utilisation de mobile money, paiement de factures d’électricité, transactions e-commerce, régularité des recharges téléphoniques, etc.

En Côte d’Ivoire, Orange Bank Africa combine données télécoms et usage mobile money pour évaluer la solvabilité des demandeurs de microcrédits. Au Sénégal, WAVE et MaTontine développent des algorithmes maison capables d’évaluer les risques à partir de l’engagement communautaire et de la constance des versements.

Une opportunité pour les banques traditionnelles ?

Conscientes de la menace mais aussi de l’opportunité, plusieurs banques traditionnelles commencent à s’associer à des startups spécialisées dans l’analyse alternative des risques. UBA Cameroun et Société Générale Côte d’Ivoire, par exemple, ont lancé des incubateurs fintechs ou des partenariats de co-financement ciblés.

L’objectif est double : étendre la base clientèle tout en maîtrisant le risque, grâce à des modèles plus agiles et mieux adaptés aux réalités du terrain.

Défis à surmonter

Si le scoring alternatif ouvre la voie à une plus grande inclusion financière, il n’est pas sans risques :

  • Protection des données personnelles,
  • transparence des algorithmes,
  • biais cachés dans les modèles de décision,
  • et surtout, nécessité d’un cadre réglementaire adapté.

À ce jour, les banques centrales d’Afrique francophone n’ont pas encore mis en place de référentiel clair sur l’usage du scoring alternatif, ce qui crée un flou juridique pour les opérateurs et les clients.

Vers une nouvelle ère du crédit en Afrique ?

Le potentiel est immense. Si ces modèles sont bien encadrés, ils pourraient contribuer à intégrer des millions d’Africains dans le système formel de crédit, tout en stimulant la croissance des banques.

À condition toutefois que cette innovation technologique soit pensée au service de l’humain et de la confiance – le véritable fondement du crédit.

Oswald M.

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