Inclusion Financière

Côte d’Ivoire : Un ticket public de 1,4 million de dollars pour Julaya : cap sur l’inclusion financière B2B en Afrique de l’Ouest

La Caisse des Dépôts et Consignations de Côte d’Ivoire, via sa filiale d’investissement, engage 800 millions FCFA, soit environ 1,4 million de dollars, au capital de Julaya afin d’accélérer la digitalisation des paiements d’entreprise et l’inclusion financière en Afrique de l’Ouest. La signature intervenue à Abidjan à la mi-octobre 2025 vise l’extension de l’usage des rails électroniques dans les chaînes d’approvisionnement publiques et privées, encore fortement dépendantes du cash.

L’opération intervient quelques mois après l’obtention par Julaya de l’agrément d’établissement de paiement en Côte d’Ivoire, jalon réglementaire qui sécurise l’élargissement de l’offre et renforce la confiance des contreparties bancaires, corporate et institutionnelles. Ce statut clarifie les exigences de conformité, de gouvernance des risques et de protection des données, conditions nécessaires pour traiter des volumes croissants sur des cas d’usage à forte intensité transactionnelle comme la paie, les décaissements fournisseurs et la collecte de recettes.

Le rationnel stratégique du ticket se lit sur trois plans. Au plan opérationnel, la dématérialisation des flux B2B réduit les coûts unitaires de traitement, accélère les délais de règlement et améliore la traçabilité, ce qui facilite la formalisation et la lutte contre la fraude. Au plan macroéconomique, la création d’historiques de paiements exploitables soutient le scoring de crédit des PME et la montée en gamme de l’interopérabilité entre comptes bancaires, wallets et infrastructures de paiement. Au niveau de l’écosystème, l’investissement doit produire un effet d’entraînement sur les intégrateurs, les régies publiques et les réseaux de distribution, avec l’industrialisation des parcours digitaux à l’échelle de l’UEMOA.

La capacité d’exécution sera déterminante. La réussite du déploiement dépendra de la qualité des connectiques avec les banques et les opérateurs de mobile money, de la robustesse des contrôles KYC et anti-fraude et de la montée en charge sans rupture de service. L’agrément obtenu en 2025 réduit le risque réglementaire immédiat mais impose une discipline soutenue en matière d’audit, de cybersécurité et de continuité d’activité afin d’accompagner la croissance du pipeline clients et l’ouverture de nouveaux cas d’usage sectoriels.

Le signal adressé au marché est significatif. Un investisseur public local alloue du capital patient à une infrastructure de paiements B2B, ce qui crédibilise des trajectoires de rentabilité fondées sur la volumétrie, la maîtrise du coût d’acquisition et le développement d’offres adjacentes. Dans un contexte régional marqué par l’essor des solutions de paiement, le calibrage de 800 millions FCFA apparaît suffisant pour accélérer la distribution, renforcer les équipes de conformité et de gestion des risques opérationnels et financer les exigences techniques liées à l’interopérabilité, tout en préservant une gouvernance alignée sur des standards élevés.

À court terme, trois indicateurs permettront de mesurer l’impact. La croissance du volume et de la valeur des transactions traitées sur les principaux cas d’usage B2B indiquera le rythme d’adoption. Le taux d’activation et de rétention des comptes entreprises sera le baromètre de l’intégration des paiements digitaux dans les processus métiers. L’effet inclusion financière se lira dans la réduction du cash dans les décaissements et la capacité à bancariser de nouvelles contreparties au sein des chaînes d’approvisionnement. La dynamique de ces métriques déterminera la vitesse à laquelle l’investissement se traduit en gains de productivité et en externalités positives pour l’économie ivoirienne et, au-delà, pour la sous-région.

Patrick Tchounjo

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