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Titres publics : L’UMOA et la CEMAC misent sur la dette pour leurs ambitions

Dans les zones de l’Union Monétaire Ouest-Africaine (UMOA) et de la Communauté Économique et Monétaire de l’Afrique Centrale (CEMAC), les titres publics – bons du Trésor et obligations souveraines – s’imposent comme des outils clés pour financer les projets nationaux. En ce début 2025, alors que les États cherchent à relancer leurs économies face à des défis mondiaux, l’agence UMOA-Titres et la Banque des États de l’Afrique Centrale (BEAC) jouent des rôles distincts mais cruciaux. Si l’UMOA brille par son marché dynamique, la CEMAC, elle, peine encore à décoller. Décryptage d’une stratégie à deux vitesses.

UMOA-Titres : Un modèle qui attire les investisseurs

Dans l’UMOA, qui regroupe le Bénin, le Burkina Faso, la Côte d’Ivoire, la Guinée-Bissau, le Mali, le Niger, le Sénégal et le Togo, l’agence UMOA-Titres, créée en 2013 sous l’égide de la BCEAO, continue de faire des étincelles. En janvier 2025, le Sénégal a levé 150 milliards de FCFA via une émission obligataire à 7 ans, avec un taux d’intérêt de 6,25 %, sursouscrite à 130 %. « C’est la preuve de la confiance des investisseurs dans notre économie », s’est réjoui Amadou Ba, ministre sénégalais des Finances, lors d’une conférence à Dakar.

Ce succès n’est pas isolé. En 2024, les huit pays de l’UMOA ont émis pour 8 500 milliards de FCFA de titres publics, selon les données officielles de la BCEAO, soit une hausse de 10 % par rapport à 2023. La Côte d’Ivoire, locomotive régionale, domine avec 35 % du total, finançant des projets comme l’extension du port d’Abidjan ou la construction d’écoles. « UMOA-Titres offre une plateforme centralisée et transparente, ce qui rassure les souscripteurs », explique Koffi Yao, analyste chez SGI Africa, une société de gestion basée à Lomé.

Les investisseurs locaux – banques, assureurs, fonds de pension – absorbent 70 % de ces émissions, mais la part des capitaux étrangers progresse, portée par des rendements attractifs dans un contexte de taux bas en Europe. La BCEAO soutient cette dynamique en garantissant la liquidité du marché secondaire, où les titres s’échangent après leur émission.

CEMAC : Un marché encore embryonnaire

Dans la CEMAC – Cameroun, Centrafrique, Tchad, Guinée Équatoriale, Gabon, Congo – le tableau est moins reluisant. Bien que la BEAC, en collaboration avec la COBAC, ait lancé des initiatives pour structurer un marché des titres publics, les volumes restent modestes. En 2024, les émissions ont totalisé 1 800 milliards de FCFA, soit à peine 20 % du niveau de l’UMOA. Le Gabon et le Cameroun, les plus actifs, représentent 60 % de ce montant, avec des emprunts destinés à combler les déficits budgétaires plutôt qu’à financer des projets structurants.

« Nous sommes encore en phase d’apprentissage », admet Hervé Ndongo, directeur des opérations de marché à la BEAC, basé à Yaoundé. Contrairement à l’UMOA, la CEMAC manque d’une agence dédiée comme UMOA-Titres, ce qui complique la coordination entre États. De plus, la dépendance au pétrole – dont les prix ont chuté de 15 % en 2024 selon l’OPEP – fragilise les finances publiques, rendant les investisseurs méfiants. Une émission tchadienne de 100 milliards de FCFA en février 2025 n’a été souscrite qu’à 75 %, obligeant la BEAC à intervenir pour absorber le reliquat.

Des ambitions nationales en jeu

Dans les deux zones, les titres publics répondent à un besoin urgent : diversifier les sources de financement face à la réduction de l’aide internationale et aux recettes fiscales en berne. En UMOA, le Burkina Faso a utilisé 200 milliards de FCFA levés en 2024 pour moderniser son réseau électrique, tandis que le Mali finance des infrastructures routières dans le nord du pays. Dans la CEMAC, le Congo mise sur une obligation de 150 milliards de FCFA émise en mars pour relancer son secteur agricole, un virage stratégique après des années de dépendance pétrolière.

Mais cette stratégie a ses limites. En UMOA, la dette publique moyenne a atteint 55 % du PIB en 2024, flirtant avec le plafond de 70 % fixé par l’UEMOA. « Nous devons veiller à ne pas surendetter nos États », met en garde Aïssata Koné, économiste à l’Université de Ouagadougou. Dans la CEMAC, ce ratio dépasse déjà 60 % au Tchad et en Centrafrique, alimentant les craintes d’une crise de la dette.

Perspectives et défis pour 2025

Pour l’UMOA, l’année 2025 s’annonce prometteuse. UMOA-Titres prévoit d’introduire des « obligations vertes » pour financer des projets climatiques, une première dans la région qui pourrait attirer des fonds européens. La digitalisation du marché, avec une plateforme en ligne testée fin 2024, devrait aussi simplifier l’accès pour les petits investisseurs.

Dans la CEMAC, la BEAC et la COBAC planchent sur un « Plan Titres 2025-2030 » visant à harmoniser les pratiques et à créer un marché secondaire viable. « Nous devons rattraper notre retard », insiste Hervé Ndongo, qui appelle à une meilleure coordination régionale. Mais sans une reprise économique solide, les États risquent de rester dépendants des interventions de la BEAC, au détriment de leur autonomie.

En UMOA comme en CEMAC, les titres publics incarnent l’ambition de bâtir des économies modernes. Reste à transformer cette dette en croissance durable, un pari loin d’être gagné dans un monde économique incertain.

Aminata

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