Banques au Cameroun : les virements explosent, l’activité bancaire franchit un cap

L’accès aux services financiers dans l’Union économique et monétaire ouest-africaine (UEMOA) franchit une nouvelle étape. Selon les dernières données publiées par la Banque centrale des États de l’Afrique de l’Ouest (BCEAO), 73,6 % des adultes dans la région utilisent au moins un service financier formel, qu’il s’agisse d’un compte bancaire, d’un portefeuille mobile ou d’un produit de microfinance. Ce niveau record reflète l’accélération de l’inclusion financière dans l’espace UEMOA et rapproche la région de son objectif stratégique fixé à 75 % pour la fin de l’année 2024.
Le chiffre de 73,6 %, corrigé pour éviter les doubles comptages liés à la multibancarité, représente une progression spectaculaire par rapport aux 41,7 % enregistrés en 2015. En moins d’une décennie, près de 30 points de pourcentage ont été gagnés. Cette évolution est largement attribuée à la montée en puissance du mobile money, qui s’est imposé comme le principal vecteur d’inclusion financière. Accessible via téléphone mobile, souvent sans compte bancaire préalable, ce service a démocratisé les paiements numériques et permis à des millions de personnes, notamment en zones rurales, d’entrer dans l’univers financier formel.
Dans des pays comme la Côte d’Ivoire, l’usage du mobile money est passé de 46 % à plus de 80 % de la population adulte entre 2017 et 2023. Cette adoption rapide repose sur la simplicité d’usage, la densité du réseau d’agents distributeurs et la confiance croissante dans les solutions proposées par les opérateurs de téléphonie mobile. Le mobile money est aujourd’hui plus utilisé que les services bancaires traditionnels dans la majorité des pays membres.
Les banques commerciales, de leur côté, peinent encore à élargir leur base de clientèle au-delà des zones urbaines et des catégories à revenu moyen ou élevé. Leur taux de pénétration reste inférieur à 30 % dans la plupart des pays de l’UEMOA. Si certaines ont engagé une transformation numérique, en multipliant les offres digitales et les partenariats avec des fintechs, leur modèle d’agence classique limite encore leur déploiement en zones éloignées.
Les institutions de microfinance conservent leur utilité dans l’écosystème, en particulier pour l’octroi de petits crédits, l’épargne populaire et l’accompagnement de l’informel. Cependant, elles sont confrontées à une forte concurrence des opérateurs de monnaie électronique et à des contraintes réglementaires croissantes qui limitent leur expansion rapide.
D’importantes disparités subsistent entre les États membres. Le Bénin, le Togo, la Côte d’Ivoire et le Sénégal figurent parmi les pays les plus avancés, avec des taux d’inclusion supérieurs à 80 %. À l’inverse, le Niger reste en retrait avec un taux estimé en deçà de 50 %, conséquence d’un accès limité aux infrastructures financières, d’un contexte sécuritaire tendu et d’un faible niveau d’alphabétisation. Le Mali affiche également un retard modéré par rapport à la moyenne régionale.
Le fossé entre zones urbaines et rurales reste marqué. Si les grandes villes sont bien desservies en services financiers, de nombreuses localités rurales restent dépendantes du cash ou d’instruments informels. Le mobile money a permis de combler une partie de ce retard, mais les écarts persistent. Autre facteur de déséquilibre : le genre. Dans l’ensemble de l’Union, les femmes sont nettement moins bancarisées que les hommes. En Côte d’Ivoire, seules 37 % des femmes disposaient d’un compte financier en 2021, contre 64 % des hommes. Ce différentiel s’explique par des revenus plus faibles, des normes socioculturelles, et un accès limité aux technologies numériques.
Au-delà de l’enjeu social, l’inclusion financière constitue un levier économique. Elle facilite la mobilisation de l’épargne domestique, soutient la formalisation des échanges et renforce l’efficacité des politiques monétaires. Pour les banques et les fintechs, l’élargissement de la base clientèle représente un potentiel de croissance, à condition de proposer des produits simples, abordables et adaptés aux besoins du terrain. Pour la BCEAO, la généralisation des services numériques permet une meilleure traçabilité des flux financiers, un encadrement renforcé des risques, et une interopérabilité croissante entre les acteurs.
La stratégie régionale d’inclusion financière pour la période 2025–2030 vise à consolider les acquis et à atteindre les derniers segments de population encore exclus. Elle s’appuie sur la promotion de l’éducation financière, le développement de produits innovants comme les nano-crédits ou la micro-assurance, et le déploiement de plateformes régionales telles que PI-SPI pour interconnecter banques et services de mobile money.
Avec un taux d’inclusion de 73,6 %, l’UEMOA se positionne parmi les zones africaines les plus avancées sur le plan de l’accès aux services financiers. La prochaine étape consistera à renforcer l’usage actif de ces services, en dépassant la simple ouverture de comptes pour favoriser une vraie inclusion économique.
Patrick Tchounjo



