Face aux défis mondiaux : La BCEAO et la COBAC adoptent des stratégies prudentes en 2025

Dans un environnement économique mondial marqué par une croissance ralentie et des incertitudes persistantes, la Banque Centrale des États de l’Afrique de l’Ouest (BCEAO) et la Commission Bancaire de l’Afrique Centrale (COBAC), en tandem avec la Banque des États de l’Afrique Centrale (BEAC), ajustent leurs politiques pour soutenir les économies de l’Union Monétaire Ouest-Africaine (UMOA) et de la Communauté Économique et Monétaire de l’Afrique Centrale (CEMAC). Alors que le Fonds Monétaire International (FMI) prévoit une croissance mondiale de 3,2 % en 2025, ces institutions adoptent des approches distinctes mais marquées par la prudence.
L’UMOA : Soutenir la croissance dans un cadre stable
L’UMOA, qui regroupe le Bénin, le Burkina Faso, la Côte d’Ivoire, la Guinée-Bissau, le Mali, le Niger, le Sénégal et le Togo, bénéficie d’une dynamique économique relativement robuste. Selon les rapports annuels de la BCEAO, la croissance régionale a atteint 5,7 % en 2023, tirée par des performances solides en Côte d’Ivoire et au Sénégal. Pour 2025, les prévisions tablent sur environ 6 %, soutenues par des investissements dans les infrastructures et une demande intérieure stable.
Pour accompagner cette trajectoire, la BCEAO maintient son taux directeur à 2,5 %, un niveau inchangé depuis juillet 2023, selon les communiqués officiels de l’institut. Cette politique monétaire accommodante vise à faciliter l’accès au crédit, essentiel pour les entreprises et les ménages. Cependant, l’inflation, qui oscillait autour de 3,2 % fin 2023 d’après les statistiques de la BCEAO, reste une préoccupation. Elle est alimentée par la hausse des prix des produits importés – blé, carburant, huile – dans un contexte de perturbations mondiales persistantes, notamment liées au conflit en Ukraine.
L’arrimage du franc CFA à l’euro, à un taux fixe de 655,957 FCFA pour 1 euro, continue de garantir une stabilité monétaire, mais limite la flexibilité face aux chocs externes. Avec des réserves de change estimées à environ 12 000 milliards de FCFA fin 2023 (soit 5 mois d’importations), l’UMOA dispose d’une marge de manœuvre, bien que la hausse des taux en Europe par la Banque Centrale Européenne (BCE) – 2,5 % en 2023 – exerce une pression indirecte.
La CEMAC : Préserver les réserves dans un contexte fragile
Dans la CEMAC (Cameroun, Centrafrique, Tchad, Guinée Équatoriale, Gabon, Congo), la situation est plus tendue. La croissance régionale, estimée à 2,5 % en 2023 par la BEAC, reste freinée par une dépendance au pétrole, qui représente plus de 40 % du PIB dans des pays comme le Gabon et la Guinée Équatoriale. Avec une baisse des cours du brut de 10 % en 2023 selon l’OPEP, les réserves de change de la CEMAC ont chuté à environ 3 500 milliards de FCFA, couvrant à peine 3,5 mois d’importations, loin du seuil de confort de 5 mois.
Pour contrer cette fragilité, la BEAC a relevé son taux directeur à 4 % en juillet 2023, une mesure maintenue en 2025 d’après les tendances actuelles, visant à limiter les sorties de devises et à protéger les réserves. La COBAC, quant à elle, renforce la supervision des banques pour éviter une prise de risques excessive, comme l’indiquent ses rapports annuels. Cette approche restrictive a permis de stabiliser les finances publiques, mais elle pèse sur le crédit au secteur privé, qui a stagné à 12 % du PIB en 2023, selon les données de la BEAC.
Un environnement mondial complexe
Ces stratégies s’inscrivent dans un contexte global difficile. La guerre en Ukraine, entamée en 2022, continue de perturber les chaînes d’approvisionnement, renchérissant les coûts des importations. Le FMI note que les prix alimentaires mondiaux ont augmenté de 5 % en 2023, un trend susceptible de se poursuivre en 2025. Par ailleurs, la politique monétaire restrictive des grandes économies – comme la Réserve fédérale américaine ou la BCE – réduit les flux de capitaux vers l’Afrique.
Dans l’UMOA, où 60 % des échanges commerciaux se font avec l’Union Européenne (selon les statistiques de l’UEMOA), la hausse des taux européens affecte les coûts de la dette. Dans la CEMAC, la volatilité des matières premières – pétrole, bois, minerais – expose les économies à des chocs imprévisibles, rendant la diversification urgente mais lente à se concrétiser.
Perspectives pour 2025
Pour l’UMOA, la BCEAO prévoit de maintenir sa politique de liquidité via des adjudications régulières, comme les 400 milliards de FCFA injectés en décembre 2023, pour soutenir les banques. Cependant, une inflation persistante pourrait nécessiter un ajustement des taux d’ici mi-2025. Dans la CEMAC, la BEAC mise sur une éventuelle reprise des prix pétroliers pour reconstituer ses réserves, mais les analystes estiment que sans réformes structurelles, la croissance restera inférieure à 3 %.
En 2025, la BCEAO et la COBAC naviguent dans des eaux troubles avec des approches adaptées à leurs réalités : relance mesurée pour l’une, défense des acquis pour l’autre. Leur succès dépendra de leur capacité à anticiper les chocs dans un monde économique incertain.
Oswald M