Impact de la fiscalité sur la compétitivité des banques ouest-africaines dans l’UEMOA

L’Union Économique et Monétaire Ouest-Africaine (UEMOA), qui regroupe huit pays (Bénin, Burkina Faso, Côte d’Ivoire, Guinée-Bissau, Mali, Niger, Sénégal et Togo), repose sur une intégration économique et monétaire soutenue par une monnaie commune, le franc CFA, et des institutions comme la Banque Centrale des États de l’Afrique de l’Ouest (BCEAO). Dans ce contexte, le secteur bancaire joue un rôle clé pour financer le développement et l’inclusion financière. Cependant, les régimes fiscaux appliqués aux institutions financières influencent fortement leur compétitivité, tant face aux acteurs locaux qu’internationaux. Cet article explore cet impact et les enjeux qui en découlent.
Le cadre fiscal dans l’UEMOA : une harmonisation partielle
L’UEMOA a entrepris, dès sa création en 1994, une harmonisation des politiques fiscales pour faciliter les échanges et renforcer l’intégration économique. Les banques, en tant qu’acteurs majeurs, sont soumises à plusieurs types de taxes : l’impôt sur les sociétés (IS), la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) sur certains services, ainsi que des prélèvements spécifiques au secteur financier, comme les contributions au fonds de garantie des dépôts. Le taux de l’IS varie selon les pays, oscillant généralement entre 25 % et 30 %, bien que des exonérations temporaires ou des régimes préférentiels existent dans certains cas, notamment pour encourager l’investissement.
Cependant, cette harmonisation reste imparfaite. Par exemple, la Côte d’Ivoire, qui concentre environ 40 % du PIB de l’UEMOA, applique un régime fiscal plus lourd pour les banques que des pays comme le Niger ou le Togo, où les incitations fiscales sont parfois utilisées pour attirer des investisseurs. Ces disparités créent des inégalités dans les coûts d’exploitation des banques au sein de la zone.
Une pression fiscale qui pèse sur la rentabilité
La fiscalité a un impact direct sur la rentabilité des banques ouest-africaines. Selon des études publiées par la BCEAO, les établissements financiers de l’UEMOA affichent un rendement moyen des fonds propres (ROE) inférieur à celui observé dans d’autres régions émergentes, souvent en deçà de 15 %, contre plus de 20 % en Afrique de l’Est, par exemple. Une part significative de cette différence est attribuable à la charge fiscale, qui réduit les marges bénéficiaires et limite les ressources disponibles pour l’investissement ou l’expansion.
En outre, la taxation des intérêts et des commissions, qui constituent une part importante des revenus bancaires dans l’UEMOA, accentue cette pression. Dans un contexte où le taux de bancarisation reste faible (environ 25 % en moyenne dans la zone selon les données de 2022), les banques dépendent fortement de ces revenus pour compenser les coûts liés à la gestion des risques et à la conformité réglementaire imposée par la BCEAO.
Compétitivité face aux acteurs internationaux
La fiscalité affecte également la capacité des banques locales à concurrencer les filiales de groupes bancaires internationaux, tels que Société Générale, Ecobank ou BNP Paribas, qui dominent le marché ouest-africain. Ces institutions bénéficient d’économies d’échelle et de structures optimisées pour minimiser leur exposition fiscale à l’échelle mondiale. En comparaison, les banques locales, souvent de taille modeste, supportent une charge fiscale proportionnellement plus lourde, ce qui limite leur capacité à offrir des taux d’intérêt compétitifs ou à investir dans la digitalisation, un domaine où elles sont déjà en retard.
Par exemple, au Sénégal et en Côte d’Ivoire, les grandes banques étrangères ont capté une part croissante du marché des entreprises et des particuliers aisés, tandis que les banques locales peinent à rivaliser, en partie à cause de ressources contraintes par la fiscalité. Cette dynamique renforce une dépendance aux capitaux étrangers et freine l’émergence d’un secteur bancaire véritablement régional.
Vers des réformes fiscales pour l’inclusion financière ?
Face à ces défis, des voix s’élèvent pour appeler à une réforme fiscale visant à soutenir la compétitivité des banques ouest-africaines. Une piste envisagée est la réduction ciblée de l’impôt sur les sociétés pour les institutions qui financent les petites et moyennes entreprises (PME) ou les projets d’inclusion financière, comme les microcrédits. Une telle mesure, déjà expérimentée au Burkina Faso avec des exonérations partielles, pourrait encourager les banques à élargir leur clientèle dans une région où plus de 70 % de la population reste non bancarisée.
Une autre proposition consiste à harmoniser davantage les régimes fiscaux au sein de l’UEMOA pour éviter une concurrence fiscale déséquilibrée entre les États membres. Cela impliquerait une coordination renforcée entre les ministères des Finances et la BCEAO, un processus complexe mais essentiel pour créer un environnement équitable.
La fiscalité dans l’UEMOA constitue à la fois un frein et une opportunité pour la compétitivité des banques ouest-africaines. Si elle garantit des recettes publiques indispensables dans des économies souvent fragiles, elle limite la capacité des institutions locales à rivaliser avec les acteurs internationaux et à répondre aux besoins d’une population sous-bancarisée. Des réformes bien calibrées, combinant allégements fiscaux ciblés et harmonisation régionale, pourraient transformer ce défi en levier pour un secteur bancaire plus dynamique et inclusif, au service du développement économique de l’UEMOA.
Aminata