Supervision bancaire : La COBAC serre la vis pour un secteur plus robuste en CEMAC

Dans la zone de la Communauté Économique et Monétaire de l’Afrique Centrale (CEMAC), la Commission Bancaire de l’Afrique Centrale (COBAC) ne relâche pas sa garde. En ce début 2025, l’institution basée à Libreville intensifie ses efforts pour assainir le secteur bancaire des six pays membres – Cameroun, Centrafrique, Tchad, Guinée Équatoriale, Gabon, Congo. Au cœur de cette stratégie : la réduction des créances douteuses et une lutte sans relâche contre le blanchiment de capitaux. Si les régulateurs affichent leur détermination, les banques, elles, oscillent entre discipline et grogne face à une supervision jugée parfois trop rigide.
Une réponse aux failles du passé
Longtemps critiquée pour sa lenteur à réagir aux dérives financières, la COBAC a opéré un virage stratégique ces dernières années. En 2024, une série d’audits approfondis dans les 42 banques commerciales de la CEMAC a révélé des faiblesses persistantes : les créances non performantes – ces prêts que les emprunteurs ne remboursent pas – atteignaient encore 12 % des portefeuilles bancaires, un niveau préoccupant selon les standards internationaux. « Nous ne pouvons plus tolérer ces risques systémiques », a martelé Abbas Mahamat Tolli, président de la COBAC, lors d’une conférence de presse à Yaoundé en janvier.
Pour y remédier, la COBAC a imposé des plans de recapitalisation à une dizaine d’établissements en difficulté, notamment au Tchad et en Centrafrique, où les conflits internes ont fragilisé l’économie. Parallèlement, des inspections surprises ont été multipliées depuis le début de l’année, avec des sanctions à la clé : deux banques camerounaises ont écopé d’amendes totalisant 1,5 milliard de FCFA en février pour non-respect des ratios prudentiels.
La lutte contre le blanchiment en première ligne
L’autre priorité de la COBAC en 2025 est la lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme (LBC/FT). Dans une région où les flux illicites liés au pétrole, au bois ou aux minerais restent une réalité, les nouvelles directives adoptées fin 2024 obligent les banques à renforcer leurs contrôles. Désormais, chaque transaction supérieure à 50 millions de FCFA doit être accompagnée d’une justification détaillée, et les clients politiquement exposés font l’objet d’une surveillance accrue.
« Nous voulons un système bancaire transparent et conforme aux normes du Groupe d’Action Financière (GAFI) », explique Marie Ngo, directrice de la supervision à la COBAC. Cette fermeté a déjà porté ses fruits : en 2024, les signalements d’opérations suspectes ont augmenté de 40 %, signe que les mécanismes de détection s’améliorent. Mais elle suscite aussi des tensions. « Ces règles alourdissent nos processus et font fuir certains clients », confie sous anonymat un dirigeant d’une banque gabonaise.
Un secteur sous pression
La rigueur de la COBAC ne passe pas inaperçue. Les grandes banques, comme Afriland First Bank au Cameroun ou BGFI Bank au Gabon, s’adaptent sans trop de difficulté grâce à leurs ressources. Mais pour les petits établissements, souvent dépendants de dépôts publics ou de prêts risqués, la pilule est dure à avaler. Au Congo, une banque locale a dû céder 30 % de ses parts à un investisseur étranger en janvier pour éviter la liquidation, une opération orchestrée sous la pression de la COBAC.
Cette vigilance accrue intervient dans un contexte économique fragile. Avec la chute des cours du pétrole, principal moteur de la CEMAC, les recettes publiques ont diminué, rendant les États plus dépendants des banques pour financer leurs déficits. « La COBAC nous demande d’être irréprochables, mais elle doit aussi comprendre nos réalités », plaide Paulin Ngoma, analyste financier à Brazzaville. Certains craignent que cette sévérité ne freine l’accès au crédit, déjà limité pour les PME qui représentent 70 % de l’économie régionale.
Des résultats encourageants, mais un équilibre à trouver
Malgré les critiques, les efforts de la COBAC commencent à payer. Les stress-tests de 2024 ont montré que 80 % des banques de la CEMAC pouvaient encaisser un choc économique majeur, contre 65 % deux ans plus tôt. Les créances douteuses, bien qu’élevées, sont en baisse dans des pays comme le Gabon, où elles sont passées de 15 % à 10 % des portefeuilles en un an. « Nous construisons un secteur plus robuste, étape par étape », assure un cadre de l’institution.
Pour 2025, la COBAC prévoit de renforcer ses équipes d’inspecteurs et de collaborer davantage avec la BEAC pour harmoniser les politiques monétaires et bancaires. Un programme de formation pour les banquiers est également en préparation, visant à améliorer la gestion des risques internes. Mais le défi reste de taille : trouver un équilibre entre rigueur réglementaire et dynamisme économique, dans une région où la confiance dans les institutions financières est encore fragile.
Alors que la COBAC serre la vis, une question demeure : cette vigilance accrue sera-t-elle perçue comme un rempart ou comme un frein par les acteurs économiques de la CEMAC ? Les prochains mois apporteront des éléments de réponse.
Mérimé Wilson