Marché UMOA-Titres : 126 milliards FCFA levés en flèche par quatre États en une semaine

Dakar, Ouagadougou, Bissau et Lomé ont mobilisé, en une seule semaine, un total de 126 milliards de francs CFA sur le marché régional de la dette publique, à travers des émissions orchestrées par l’agence UMOA-Titres. Une performance qui confirme la vitalité du compartiment souverain dans un contexte où les besoins de financement des États restent soutenus, malgré une accalmie sur le front de l’inflation.
Un marché solide, quatre signatures publiques au rendez-vous
Le Sénégal ouvre le bal avec une levée de 33 milliards FCFA, au-dessus de son objectif initial de 30 milliards. Les investisseurs se sont massivement positionnés, avec une demande dépassant les 41 milliards. Deux instruments étaient proposés : des Bons Assimilables du Trésor (BAT) à un an rémunérés à 7,23 %, et des Obligations du Trésor (OAT) à trois ans servies à 7,71 %. Le pays reste l’un des émetteurs les plus réguliers et les mieux notés du marché régional.
À Ouagadougou, le Burkina Faso a mobilisé un montant similaire – 32,99 milliards FCFA – avec un taux de couverture de 141 %. Là aussi, le Trésor a opté pour une palette d’échéances diversifiée : BAT à un an, OAT à trois, cinq et sept ans, offrant des rendements compris entre 6,76 % et 7,48 % selon la maturité. Une stratégie prudente pour lisser les remboursements à venir.
La Guinée-Bissau, souvent perçue comme une signature plus risquée, a tout de même réussi à attirer 15 milliards FCFA exclusivement via une OAT à trois ans rémunérée à 9,49 %. Les investisseurs – principalement béninois, ivoiriens et sénégalais – ont fortement répondu à l’appel avec une sursouscription de 165 %, bien que le Trésor ait volontairement refusé les offres sur les BAT à un an, jugées peu avantageuses.
Enfin, Lomé signe un retour remarqué. Le Togo a levé 27,5 milliards FCFA, bien au-delà de son objectif initial (25 milliards), avec une demande excédant les 53 milliards. Résultat : un BAT de 364 jours à 5,84 % et une OAT à trois ans à 7,83 %. L’obligation à cinq ans proposée a, quant à elle, été écartée, preuve d’un pilotage tactique du coût de l’endettement.
Des investisseurs au rendez-vous, malgré une liquidité sous pression
Les taux de couverture – tous supérieurs à 130 %, parfois au-delà de 200 % – confirment un appétit marqué des investisseurs institutionnels de l’UEMOA. Banques, compagnies d’assurance et fonds locaux privilégient toujours les titres d’État pour la sécurité qu’ils offrent, leur admissibilité au refinancement BCEAO, et leur rendement attractif dans un environnement régional de taux relativement stables.
Cette dynamique s’inscrit dans un contexte macroéconomique favorable. L’inflation, qui avait pesé sur les finances publiques en 2022–2023, est retombée à 0,6 % en moyenne au T2 2025 selon la BCEAO, tandis que la croissance économique de l’Union est estimée à 6,3 % pour l’année. De quoi maintenir les conditions de taux inchangées depuis juin et soutenir la demande pour les titres publics.
Pour autant, les volumes levés reflètent aussi l’ampleur des besoins de financement. Les huit États de l’UEMOA doivent faire face à des déficits publics toujours supérieurs à 4–5 % du PIB, et doivent emprunter régulièrement pour couvrir leurs engagements, notamment dans les secteurs de l’énergie, des infrastructures et de la sécurité.
Le marché secondaire se muscle, mais la base d’investisseurs reste concentrée
Autre signal positif : l’activité sur le marché secondaire continue de croître. Plus de 3 000 milliards FCFA de titres se sont échangés à la BRVM en une semaine, preuve d’un début de profondeur. Ce dynamisme facilite la revente des obligations et rassure les investisseurs sur la liquidité de leurs positions.
Mais la structure du marché reste fragile. Près de 60 % des titres sont encore détenus par les banques commerciales, qui jouent un rôle de premier plan dans l’absorption des émissions. Un modèle efficace à court terme, mais potentiellement risqué en cas de retournement ou d’épuisement de leur capacité de souscription. Les autorités appellent désormais à diversifier la base d’investisseurs, en attirant davantage de fonds de pension, SICAV et investisseurs internationaux.
Un outil de souveraineté… à manier avec précaution
La montée en puissance du marché UMOA-Titres offre aux États membres une précieuse marge de manœuvre budgétaire. L’épargne régionale est mobilisée de manière structurée, régulière et en monnaie locale, limitant l’exposition aux devises et aux conditionnalités externes.
Mais l’essor rapide de la dette domestique pose aussi la question de sa soutenabilité. L’encours global sur le marché dépasse les 33 000 milliards FCFA, et le service de la dette grignote une part croissante des budgets nationaux. Pour maintenir la confiance, les gouvernements devront veiller à orienter ces ressources vers des investissements productifs, tout en renforçant la discipline budgétaire.
Patrick Tchounjo



