Sénégal : l’IFC amorce son premier financement islamique en Afrique subsaharienne avec la Banque Islamique du Sénégal

C’est une première en Afrique subsaharienne. L’International Finance Corporation (IFC), filiale du Groupe Banque mondiale, vient de valider un financement islamique en faveur de la Banque Islamique du Sénégal (BIS). Une opération inédite qui symbolise l’ouverture de la finance internationale aux principes de la charia dans une région où la demande pour ce type de produits ne cesse de croître.
Le projet, d’un montant estimé à 40 millions d’euros, s’inscrit dans une stratégie de diversification des instruments de financement proposés par l’IFC. L’objectif est de soutenir les micro, petites et moyennes entreprises (MPME) sénégalaises à travers des solutions conformes aux préceptes de la finance islamique, basées sur le partage des risques et l’adossement à des actifs réels.
Selon la documentation officielle publiée sur le portail de l’IFC, cette facilité sera déployée sur une période de cinq ans, avec une phase de grâce de deux ans. Elle permettra à la BIS d’élargir son offre de produits tels que la Mourabaha, l’Ijara ou le Tawarruq, tout en renforçant sa capacité à financer des projets d’investissement productif dans les secteurs du commerce, de l’agro-industrie et des services.
Une nouvelle étape pour la finance éthique au Sénégal
Au Sénégal, la finance islamique est en plein essor mais reste encore marginale par rapport au système bancaire conventionnel. Moins de 10 % des dépôts bancaires nationaux relèvent de ce segment. L’intervention de l’IFC change donc la donne, en apportant à la BIS non seulement des ressources financières mais aussi une reconnaissance internationale.
Cette initiative s’inscrit dans la vision du gouvernement sénégalais visant à faire du pays un hub régional de la finance islamique en Afrique de l’Ouest. La BIS, filiale du groupe Tamweel Africa Holding, détenu majoritairement par la Banque Islamique de Développement (BID), occupe une position stratégique dans ce paysage. Elle dispose d’une clientèle diversifiée allant des particuliers aux entreprises, en passant par les institutions publiques, et développe depuis plusieurs années une expertise solide dans les financements conformes à la charia.
Pour l’IFC, ce partenariat représente un double enjeu. D’un côté, il s’agit de tester un modèle de financement alternatif dans un environnement encore dominé par les prêts classiques à intérêt. De l’autre, il s’agit de renforcer son engagement en faveur de l’inclusion financière, en ciblant des acteurs souvent exclus du système bancaire traditionnel pour des raisons religieuses ou de structure de marché.
Un levier pour les PME et la diversification économique
Les petites et moyennes entreprises constituent près de 90 % du tissu économique sénégalais, mais elles rencontrent encore des difficultés d’accès au crédit. Le modèle islamique, fondé sur la mutualisation du risque et le financement d’actifs tangibles, offre une alternative crédible et plus inclusive.
La ligne de financement octroyée par l’IFC pourrait ainsi contribuer à stimuler l’investissement productif, à créer des emplois et à renforcer la résilience des entreprises locales. En mobilisant ce type de ressources, la BIS ambitionne de consolider sa place de leader de la finance islamique dans la sous-région et d’inspirer d’autres établissements à suivre la même voie.
Un signal fort pour la finance africaine
L’entrée de l’IFC dans le financement islamique en Afrique subsaharienne constitue une reconnaissance de la pertinence de ce modèle dans les économies africaines. La finance islamique, estimée à plus de 3 000 milliards de dollars d’actifs dans le monde, connaît une croissance annuelle de plus de 10 %. En Afrique de l’Ouest, son potentiel reste largement inexploité, notamment dans les pays à majorité musulmane comme le Sénégal, le Mali ou le Niger.
Cette opération ouvre également la voie à d’autres mécanismes financiers islamiques, comme les sukuk (obligations islamiques), qui pourraient à terme servir au financement des infrastructures publiques ou des projets verts. En combinant innovation financière, inclusion et respect des valeurs éthiques, l’IFC et la BIS envoient un message fort : la finance africaine peut être à la fois moderne, performante et alignée sur les convictions culturelles et religieuses locales.
Une première qui en appelle d’autres
Si cette opération pilote se révèle concluante, elle pourrait inspirer d’autres banques islamiques du continent à solliciter des financements similaires auprès d’institutions internationales. Elle renforcera aussi la crédibilité du Sénégal comme pionnier de la finance éthique en Afrique de l’Ouest.
Pour l’IFC, c’est une étape supplémentaire dans sa mission de transformation des marchés financiers africains, en intégrant des modèles alternatifs capables d’attirer de nouveaux investisseurs. Pour la BIS, c’est une reconnaissance de son expertise et de sa capacité à servir d’interface entre la finance islamique et le développement économique.
Cette alliance inédite entre la Banque mondiale et la finance islamique pourrait bien marquer un tournant. Dans un contexte de recherche de solutions de financement durables, transparentes et inclusives, elle illustre la capacité du continent africain à conjuguer innovation et authenticité pour répondre à ses propres besoins de développement.
Patrick Tchounjo



