Togo : un retour maîtrisé et ambitieux sur le marché régional avec 27,5 milliards FCFA levés

Après plusieurs semaines d’absence, le Togo a signé un retour remarqué sur le marché régional des titres publics de l’Union Monétaire Ouest Africaine (UMOA). Pour cette opération de redémarrage, le Trésor togolais a mobilisé 27,5 milliards FCFA, soit un montant supérieur à son objectif initial fixé à 25 milliards FCFA.
La demande des investisseurs a atteint plus de 53 milliards FCFA, un niveau qui dépasse largement les attentes et confirme la confiance renouvelée des marchés régionaux envers la signature togolaise.
Une opération au succès révélateur
Ce succès n’est pas anodin. Il traduit à la fois la crédibilité financière du Togo et la capacité de son administration à gérer avec tact sa politique d’endettement, dans un environnement où la compétition entre États émetteurs devient plus vive.
L’opération a porté sur deux instruments phares :
un Bon Assimilable du Trésor (BAT) de 364 jours, assorti d’un rendement de 5,84 %,et une Obligation Assimilable du Trésor (OAT) à trois ans offrant un taux de 7,83 %.
Fait notable : l’OAT à cinq ans, pourtant prévue initialement, a été retirée du panier d’émission. Une décision stratégique, qui illustre la volonté du Trésor de piloter activement le coût de la dette et de maintenir des conditions de financement optimales, dans un contexte de légère tension sur les taux régionaux.
Une stratégie d’endettement prudente et lisible
L’attitude du Togo sur le marché primaire n’est pas improvisée. Depuis plusieurs années, Lomé privilégie une gestion proactive de sa dette, centrée sur la diversification des maturités, la stabilité du coût moyen de financement et la préservation de la soutenabilité budgétaire.
En optant pour des instruments à court et moyen termes, le pays cherche à lisser ses remboursements et à éviter un effet d’accumulation des charges sur les prochaines années.
Cette prudence s’explique aussi par une volonté d’ajuster la structure de la dette en fonction des conditions du marché : les émissions longues, souvent plus coûteuses, sont écartées lorsque la liquidité régionale se contracte ou que la demande se concentre sur les maturités courtes.
Selon plusieurs analystes régionaux, cette approche témoigne d’une maturité dans la gestion de la dette publique, permettant au Togo de préserver sa marge de manœuvre budgétaire sans compromettre ses ambitions de développement.
Le retour de la confiance des investisseurs régionaux
La demande excédentaire enregistrée lors de cette opération (plus du double du montant recherché) confirme l’intérêt constant des investisseurs institutionnels pour la signature togolaise.
Banques commerciales, sociétés d’assurance et fonds de pension ont tous répondu présents, attirés par le profil de risque contenu du pays et par les rendements attractifs offerts dans un contexte de stabilité monétaire au sein de l’UMOA.
Cette dynamique s’inscrit dans un environnement régional où les investisseurs recherchent des actifs sûrs, liquides et rémunérateurs. Le Togo, avec une trajectoire budgétaire maîtrisée et un cadre macroéconomique stable, s’impose comme une valeur sûre, à la fois pour la diversification des portefeuilles et pour la sécurisation des placements institutionnels.
Lomé, un acteur discipliné de la sphère financière ouest-africaine
Au-delà de cette opération, le Togo se distingue par une discipline budgétaire constante. Le pays a renforcé la digitalisation de son administration fiscale, amélioré la mobilisation des recettes internes et réduit progressivement son déficit.
Ces efforts, conjugués à une croissance économique soutenue (autour de 5,4 % en 2025 selon les projections de la BCEAO), renforcent la crédibilité de la signature togolaise sur les marchés régionaux.
L’État continue par ailleurs d’investir massivement dans les infrastructures logistiques — port de Lomé, corridors routiers, plateformes industrielles — tout en cherchant à contenir la progression du service de la dette. Ce double mouvement, fait de rigueur financière et de vision stratégique, nourrit la confiance des investisseurs et des partenaires techniques.
Un marché régional en pleine mutation
Cette levée intervient dans un contexte où le marché régional des valeurs du Trésor en zone UEMOA affiche une profondeur croissante.
Selon la BCEAO, 66,3 % de l’encours total des titres publics sont désormais détenus par les Spécialistes en Valeurs du Trésor (SVT), acteurs essentiels à la liquidité et à la transparence du marché.
Les investisseurs institutionnels non bancaires, tels que les compagnies d’assurance et les fonds de pension, représentent 17,1 %, tandis que les banques non spécialisées et les particuliers complètent la base.
Ce mouvement traduit une professionnalisation progressive du marché obligataire régional et une meilleure organisation de la demande, permettant aux États d’accéder à des financements plus prévisibles et mieux adaptés à leurs besoins.
Vers une consolidation de la résilience financière togolaise
En réussissant son grand retour sur le marché des titres publics, le Togo envoie un signal fort : celui d’un État maître de sa trajectoire financière et capable d’adapter sa stratégie d’endettement à la conjoncture régionale.
Cette opération renforce non seulement la visibilité du pays sur les marchés de capitaux de l’UEMOA, mais consolide aussi sa position comme acteur discipliné et crédible au sein de la zone.
Dans une période marquée par des besoins de financement croissants pour soutenir la relance économique et les investissements structurants, la performance togolaise apparaît comme une leçon de gouvernance financière pour la région.
Entre prudence, rigueur et anticipation, Lomé s’impose à nouveau comme une signature de confiance sur le marché régional.
Patrick Tchounjo



